vendredi 13 avril 2012

Souvenir de guerre

Les affaires et les biens des Godzahl avaient été mis sous séquestre par le comité aux affaires juives. A la libération Lazare voulait retrouver celui qui avait été mis à la place de son père et l'abattre. J'étais contre mais j'ai accompagné Lazare à l'adresse qu'on lui avait donnée rue consolat. Fort heureusement il n'y était pas.

Toujours dans cette fraîche libération nous sommes allés voir la grande villa où son père habitait et où j'étais venu pour un chocolat lors de notre lycée. La villa avait été pillée, j'y retrouvais des communistes d'endoume qui nous chapeautaient mais parmi les pilleurs, un petit groupe disait "ça n'a aucune importance c'était la villa d'un juif" . Lazare s'est précipité sur l'un des pilleurs et a failli l'étrangler.
L'un des communistes d'endoume nous a dit "vous voyez ils sont devenus tous pourris"
Ce n'était pas faux: l'idéologie nazie à travers Pétain et les autres avait commencé à pénétrer.
Lazare était un mauvais grimpeur mais un grand physicien. Il devait être nominé pour le Nobel, à la fin de sa vie il avait été nommé parmi les dirigeants de Saclay pour la recherche fondamentale.
Il  a participé à la diffusion de la Marseillaise clandestine. Les lignes de plomb étaient sorties des ateliers du Petit Provençal et du Radical par une équipe courageuse dirigée par un claviste qui s'appelait Aubray. Le montage sur forme avait lieu à Morgiou dans un cabanon appartenant à Charles-Emile Loo qui fut dirigeant de la SOCOMA qui était une société d'acconage.
L'embauche des dockers se faisait par une organisation publique, le BCMO, mais les socialistes de l'époque avaient créé cette SOCOMA pour à la fois éviter les grèves et avoir accès à une affaire fructueuse.

Un jour de 1943 nous sommes allés à son cabanon avec Lazare pour aller chercher les journaux clandestins La Marseillaise et Rouge midi. C'étaient des pêcheurs de Morgiou qui transportaient les journaux dans des papiers huilés sous les paniers à poissons avec de petits ânes. Avec Lazare nous avions fait de l'escalade et la direction FTP nous avait doté de deux mitraillettes STEN que nous avons déballées chez Charles-Emile Loo en arrivant au Cabanon, et il s'est mis en colère en disant "j'avais dit jamais d'armes"

En 1943 à yssengeaux dans l'Auvergne je descends du car, sur la petite place des allemands en grande quantité, alors je m'éloigne, ils crient "HALT" je m'élève dans le vieux village, je cours, je saute dans un jardin ou se trouvait un vieux couple, je leur crie "c'est la résistance, la France, De Gaulle !" et alors tous les deux d'une grande voix à l'adresse de mes poursuivants "Il est là !"
En courant j'atteins la lisière d'une forêt, il y avait beaucoup de neige, les allemands s'arrêtent, pas un coup de feu.
J'avais à joindre un paysan que je connaissais. Il me dit: "ici il y a un puissant maquis et ce sont de vieux soldats mobilisés. Ils ont joué la sécurité. Si nous tirons ils vont répliquer et nous massacrer"
Lazare et moi nous nous retrouvons à Aix-en-Provence à la Faculté, nous sommes contactés par des Francs Tireurs et Partisans. Nous partons pour les Cévennes. A son arrivée au FTP Lazare a été contacté par une organisation Juive mais il resté plus ou moins avec moi jusqu'à la libération.
Il a participé à la plupart de nos combats sauf au Passage de La Madeleine dans l'Hérault contre la division Das Reich qui remontait de Toulouse vers la Normandie. J'étais là, combattant tout neuf des grandes opérations avec des anciens des brigades internationales, de la guerre d'Espagne. C'est là, comme je tremblais plus ou moins sous le feu nourri qui faisait tomber des branches, que l'un d'eux m'a dit avec son accent: "tu es un bon tireur, aussi faut-il vaincre la peur: respire lentement et à fond, ça ira mieux!"