Ma première rencontre avec Odile Savajols-Carles fut dans le cadre des "fantasmes communistes" dans le domaine culturel. Il était donné que par la force du "parti" on intervenait partout et on pouvait être à l'origine d'une création artistique. C'était le réalisme, celui d'après la révolution. Des peintres et de très bons s'y risquaient, dont Edouard Pignon et Picasso qui avait lui, tiré ce réalisme au travers de sa vision splendide.
Donc j'étais là dans une manifestation où l'on remarquait la présence de François Billoux. Il y avait Odile dont les recherches déjà étaient loin de cette obscure affirmation: réalisme socialiste ça voulait dire quoi ?
Odile m'a plu d'emblée par son visage chiffonné et son parler précis et tranquille. Elle avait plu également à François Billoux qui l'entourait de prévenances. Elle venait du Poitou où elle avait terminé des études de lettres mâtinées de philosophie et avait rencontré son mari Jean dans une chorale. Son mari, un homme charmant, était inspecteur des impôts et avec courage avait entrepris une action militante sous l'égide de l'action CGT. Il y avait créé un syndicat qui gràce à ses qualités prospéra rapidement.
En ce qui me concerne j'avais un peu oublié Odile lorsque je la vis reparaître dans une sortie calanques auprès de mon ami Lazare Godzahl. Je grimpais déjà avec Gaston Rebuffat et je pris vite l'ascendant dans notre petite troupe. Odile avait des dons physiques mais aussi surtout, je m'en aperçus vite, une belle volonté. Là elle s'était laissée encorder avec moi et je l'avais entraînée tout de suite dans une petite escalade. Je l'avais emmenée sur la Grande Candelle. Nous avions descendu le Val Vierge et je l'avais guidée sur l'arête de Cassis, escalade difficile qui se termine sur les grandes parois du Devenson. Que dire ? A partir de là elle a pris une place dans l'étrange intelligence qu'elle savait susciter. J'ai été invité chez elle dans la petite et attachante maison du boulevard Verd, avec son jardin et un néflier. Elle y faisait un succulent gateau avec des biscuits bruns. Très vite un attachement est né, elle a voulu que je connaisse leur grande maison de Solans près d'Aubagne et cet Esparron mythique. Là une belle maison de paysan assise sur une étable édifiée en pierres sèches.
A partir d'Esparron elle m'a fait connaître les champs de lavande et la sauvage montagne de son rêve: le mourre de Chanier. L'eau sourdait de la montagne battue par les vents et y créait à ses pieds de tendres oasis où poussaient des arbres graciles et une herbe fournie. C'était miraculeux. Ce fut l'un de ses premiers cadeaux et surtout elle m'a fait entrer dans son lieu secret d'où était issue sa vision créatrice qui trouvait une réalité par la peinture. "ce ne sont que des recherches" me disait elle mais j'y trouvais un abouti parfois éblouissant.
Le fil de ces années se perd à présent dans l'infini du temps. Mais il fut regards, paroles et cette vie toujours recherchée et recommencée.
Odile m'a fait connaître sa mère, la fine Moutie. Son père qui allait grimper en Oisans trouvant la course classique de la neige après dix kilomètres à pied.
J'ai rencontré ses frères, cadres à la Société Marseillaise de Crédit, et bien de ses amis.
Avec Odile nous avona à l'époque réalisé une série qui s'appelait "sur la chaussée des grandes Alpes" ou nous avions rencontré, certains étaient de mes amis, les plus grands grimpeurs de l'époque. Mais aussi nous avons réalisé des livres d'enfant. Nous sommes allés à Paris au Palais royal chez un éditeur. Parmi ces livres il y avait "Marius le pêcheur et les oursins" mais aussi des chats "minou raou".
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