Octobre ou novembre 1943, à Toulouse.
Les miliciens regroupent dans une salle d'attente des jeunes gens qu'il ont sélectionnés, dont moi.
A la sortie de la gare, dans une haie de gendarmes, sous les huées d'une foule très excitée. Il y avait eu un attentat et des représailles.
A l'arrivée au siège de la police allemande je donne mes papiers. Très vite on m'appelle au deuxième étage, grand bureau, un officier en uniforme.
"Bonjour monsieur, asseyez-vous. Vous êtes étudiant en philosophie, je vois, à Aix en Provence. Quelle belle cité, Cézanne, Zola, etc"
Il semblait avoir la trentaine, moi 23.
"j'ai fait mes études de philosophie à Heidelberg avant d'être mobilisé"
- Heidelberg est une grande cité universitaire, Goethe et Schiller je crois y sont passés
- C'est exact, puisque vous êtes là, que pensez-vous de Kierkegaard ?
- C'est un philosophe dont la recherche est nouvelle et intéressante, mais il est quelque-peu discuté.
- Je dirais qu'il est très discuté dans un certain milieu, surtout en France et en Angleterre.
Il regarde mes papiers d'identité.
- Où allez-vous au juste ?
- Chez ma grand-mère à St sevet dans les landes
- Oh le foie gras et les confits, j'en ai l'eau à la bouche !
il parlait un excellent français, très scolaire, avec un léger accent.
- Et bien monsieur, continuez vos études, vous êtes libre, si tant était-il que vous ayez été arrêté.
Un silence.
- Voulez-vous que je rédige de ma main un petit mot si jamais les vôtres se posaient des questions ?
- Si cela arrivait, ce serait mon affaire.
- Je crois en effet que c'est mieux ainsi. Je vous dis au revoir et mon nom. Je suis le commandant William Grüber. Mon prénom ? Mes parents aimaient beaucoup l'Angleterre"
Il appuie sur un bouton, une sentinelle apparaît, il dit quelques mots en allemand et me fait un geste appuyé en direction de la porte. Je me retourne à demi, je trouve en cet instant que son visage recèle une certaine tristesse. Etait-ce une illusion ?
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